La vie il y a 15 000 ans
Temps et espace 
Dernière grande culture du Paléolithique supérieur, le Magdalénien se développe entre 15 000 et 9 000 ans av. J.-C. Elle se caractérise par un foisonnement artistique et symbolique sans précédent dans l'histoire de l'humanité. À l’échelle de l'Europe, les Homo sapiens partagent un fonds culturel, technique et symbolique. Cependant, l'archéologie permet d'entrevoir des variations dans le temps et dans l'espace.
La Culture magdalénienne 
Il y environ 17 000 ans s’opère une évolution des productions techniques (outils et armes) vis à vis des cultures précédentes (Solutréen, Badegoulien...).
Territoires culturels 
À l'échelle de cette culture européenne, des variations régionales émergent, dans les domaines techniques et symboliques. Rien que dans le Magdalénien moyen de l'Ouest français, un groupe culturel rencontré du Jura à la Gironde se distingue par un équipement original avec sa fabrication de « navettes » et de longues sagaies à double biseau. Au même moment, sur un espace allant des Asturies au sud du bassin parisien, d'autres groupes produisent une pointe de projectile différente, en bois de renne : la sagaie dite de Lussac-Angles.
Les spécificités régionales s’affirment davantage dans la sphère symbolique. L’art mobilier a toujours joué un rôle primordial dans la caractérisation et dans la structuration du Magdalénien. Ainsi l’ensemble de l’Est de la Vienne s’illustre par un art figuratif naturaliste sur support lithique avec une forte part dévolue aux représentations humaines. Il comporte deux éléments originaux : les incisives de poulain gravées, sur leur face labiale, d’un triangle ou d’un quadrilatère rempli de très fins quadrillages, et les stomach beads en ivoire.
En revanche, le groupe « à navettes » se définit par des représentations très schématisées, où les figurations sexuelles, les faces humaines géométrisées et les décors en cupules dominent.
Le groupe pyrénéen se singularise par ses rondelles perforées, ses contours découpés de têtes animales et ses statuettes équines sur pierre. Au sein de ce groupe, certaines productions ont un rayonnement plus local : le thème du « faon à l’oiseau » sculpté sur crochet de propulseurs, se cantonne aux Pyrénées ariégeoises ; les décors à volutes excisées sur baguettes demi-rondes à l’ouest et au centre des Pyrénées françaises.
Quel environnement ? 
Il y a 15 000 ans, le climat du Sud-Ouest de l’Europe était bien plus aride et plus froid qu’aujourd’hui. L’environnement végétal et animal était donc très différent de celui que l’on connaît actuellement. Les paysages, de type steppe ou toundra, renfermaient peu d'arbres, et des troupeaux d'ongulés sauvages pâturaient sur de vastes étendues. Plusieurs méthodes, brièvement abordées, permettent de reconstituer le climat ainsi que les ressources disponibles dans l’environnement naturel des groupes de chasseurs-cueilleurs de la fin du Paléolithique.
Climat 
Les sondages, forages et carottages effectués dans les fonds océaniques et les calottes glaciaires résiduelles du Groenland et de l'Antarctique permettent de restituer les changements climatiques. Les variations isotopiques du rapport de l’oxygène O16/O18 livrent des informations sur la température locale et le volume global de glace sur les continents. Les foraminifères, les mollusques et les insectes constituent également des indicateurs fiables.
Flore 
Les conditions climatiques influent sur la répartition de la faune mais aussi, inévitablement, sur la mise en place de la flore. L’archéobotanique regroupe plusieurs spécialités (palynologie, anthracologie) consacrées à l’étude des interactions entre les sociétés humaines et le monde végétal à partir des restes microscopiques et macroscopiques. Contrairement à la palynologie en grotte qui présente des problèmes taphonomiques importants, la palynologie marine bénéficie d’une sédimentation rapide et d’un meilleur enregistrement. L’étude des pollens permet en outre de confronter les changements de végétation avec les indicateurs climatiques. Durant le Magdalénien moyen, la flore se compose d’une steppe à armoises et à poacées ainsi qu’une faible représentation de l’ensemble des arbres. Le pin constitue l’essence majoritaire mais son abondance diffère selon les secteurs. La consommation de végétaux par les groupes humains s’avérant difficile à cerner en contexte paléolithique. Ce sont finalement les abondants vestiges osseux qui alimentent nos connaissances sur l’exploitation des ressources naturelles.
Faune 
Ces conditions climatiques ainsi que la topographie forment un terrain propice à l’expansion de grands troupeaux d’ongulés sauvages. Dans les gisements du Sud-ouest français, les herbivores les plus fréquemment identifiés parmi les restes osseux sont le renne, le cheval, le bison et l’antilope saïga. Cette dernière, qui vit actuellement dans le désert de Gobi en Mongolie, est bien représentée en Gironde. Elle est également mentionnée dans la faune des abris du Roc-aux-Sorciers, de la Chaire-à-Calvin et à Cap Blanc. Le renne occupe actuellement les zones les plus septentrionales du globe (Groenland, Scandinavie, Amérique du Nord, etc.). Les ongulés provenant des gisements magdaléniens étaient ainsi adaptés à des environnements ouverts de type toundra/taïga et steppe continentale. D’autres espèces inféodées à des biotopes arctiques à tempérés (mammouth, bœuf musqué, bouquetin, chamois, cerf, chevreuil, sanglier) sont présentes de façon plus sporadique. Les oiseaux (lagopèdes, chocard, etc.), les poissons (saumons, brochets, truites) et la microfaune (putois des steppes, campagnols, etc.) attestent également de conditions climatiques très froides. Le loup, animal ubiquiste, constitue le prédateur majoritaire.
Ressources exploitées 
L’archéozoologie, qui analyse les modalités d’acquisition et de traitement des carcasses animales, livre des informations sur les relations homme/animal. Dans le Sud-Ouest, le renne constitue un gibier de choix. Les carcasses sont généralement rapportées entières au campement, laissant supposer une proximité des territoires de chasse. L’analyse des marques de découpe (cutmarks) permet de reconstituer les différentes étapes de la chaîne opératoire de boucherie. Les os longs portent systématiquement des impacts de fracturation, liés au prélèvement de la moelle en vue de sa consommation. L’exploitation intensive des ongulés ne se limite toutefois pas à l’aspect alimentaire. Les ossements ont pu servir de combustible et peuvent porter des stigmates de récupération de matières premières (peaux, bois, ossements, dents, tendons, etc.) en lien avec des activités techniques (traitement des peaux, réalisation d’outillages domestiques et d’armes de chasse, confection d’objets de parure et d’œuvres d’art, etc.). Les chasseurs-cueilleurs magdaléniens étaient donc parfaitement adaptés aux conditions climatiques et ont largement tiré profit des ressources végétales, animales et minérales présentes dans leur environnement naturel.
Quel mode de vie ? 
Les populations magdaléniennes possèdent un mode de vie très différent de celui sur lequel se fondent nos sociétés depuis le Néolithique. Elles vivent de chasse, de pêche et de cueillette, et collectent plus généralement dans la nature toutes leurs ressources. Nomades, elles s’établissent temporairement dans des abris naturels aménagés ou dans des huttes ou tentes en plein air. Rencontres et échanges ponctuent la vie de ces sociétés aux réseaux socio-économiques denses et étendus.
Des chasseurs-cueilleurs 
L’économie de subsistance des Magdaléniens repose sur la chasse et la cueillette. Les grands herbivores constituent le gibier principal : selon les biotopes, le renne bien évidemment, mais aussi le cerf, le cheval, le bison et l'antilope saïga. En montagne, le bouquetin a également fait l’objet de chasses spécialisées. Ces animaux sont chassés à la sagaie, lancée à l'aide d'un propulseur. Parfaitement adaptée aux espaces ouverts, cette redoutable arme de jet permet de gagner en vitesse, en puissance et en précision. L’utilisation de l’arc reste hypothétique pour ces périodes. Le piégeage est vraisemblable sans toutefois être formellement assuré.
Des collecteurs 
Outre la nourriture, tous les matériaux utilisés par les Paléolithiques sont prélevés dans la nature, que ce soit pour la fabrication d’objets utilitaires et symboliques (roches, bois de cervidé, os, coquillages, peaux), ou encore pour la construction de leurs habitats (bois, peaux de bêtes). Au Magdalénien, l’approvisionnement en matières premières s'accompagne d’une mobilité accrue, à la recherche de matériaux de qualité.
Des semi-nomades 
Les activités de chasse et de cueillette obligent à une mobilité saisonnière, notamment calquée sur les migrations des troupeaux de grands herbivores et des poissons. Selon toutes vraisemblances, ce nomadisme devait aussi être influencé par les cycles de floraison ou de pousse des ressources végétales.
Les sources ethnographiques indiquent, chez les populations de chasseurs-collecteurs, l’alternance de périodes d’éclatement en petits groupes humains, et de regroupement ou d’agrégation pour des activités nécessitant un grand nombre d’individus. Longues de quelques semaines à plusieurs mois, ces agrégations ont des fonctions diverses : économique (grandes chasses, échanges de matériaux et/ou d’objets finis), sociale (échanges matrimoniaux) et spirituelle (productions graphiques, rituels).
Les différents types d’occupation identifiés au Magdalénien, paraissent s’accorder avec ce schéma : des occupations brèves, avec peu de personnes, spécialisées sur une activité (haltes de chasse, sites sur gîtes de matières premières) côtoient des occupations plus longues, regroupant plus d’individus, avec des activités plus variées, domestiques et cynégétiques principalement (sites résidentiels). Enfin, certains gisements montrent des occupations particulièrement intenses, avec un très large éventail d’activités touchant en particulier à la sphère symbolique (fabrication de parure, d’art mobilier, art pariétal).
Habitat 
Sans aller jusqu'à parler de sédentarité, le Magdalénien se caractérise par une fixation plus importante de l’habitat dans le temps : les déplacements alternaient avec des occupations de longue durée, peut-être répétées d’une année sur l’autre.
Différents types d’installation se rencontrent. Les Magdaléniens ont régulièrement tiré profit des abris naturels, en investissant abris sous-roche et porches de grotte bien exposés. Il leur suffisait de fermer l’habitat à l’aide de structures légères et de peaux, ce à quoi les anneaux percés dans les parois ont peut-être servi . En revanche, les habitats en grotte profonde sont rarissimes.
Les Magdaléniens ont également séjourné dans des installations en plein air. Les sites de Pincevent et d’Étiolles dans le Bassin parisien se composent de petites structures d’habitation de forme circulaire (tente ou hutte) qui étaient recouvertes de peaux calées au sol par des blocs de pierre. Les trous de calage d’une charpente légère, probablement en bois, ont été retrouvés à Gönnersdorf en Allemagne.
Ces habitats sont organisés. Leur sol peut être pavé ou dallé. Leur espace est divisé en aires d’activités spécialisées. À Pincevent et Étiolles, le centre de l’habitat est occupé par le foyer autour duquel se répartissent diverses activités circonscrites spatialement (taille du silex, fabrication de l’équipement en matières osseuses, réfection des armes). À la périphérie, se situe la zone de couchage, vide de tout vestige.
Dans la vallée de la Gartempe, non loin du Roc-aux-Sorciers, le site du Taillis des Coteaux atteste d'une occupation au Magdalénien moyen. Ces sites témoignent des étapes des déplacements des groupes de cette époque.
Habillement 
Nous ne possédons pas de données directes sur l’habillement des Paléolithiques, puisque les matières organiques ne se sont pas conservées pour ces périodes (peaux, fourrures, plumes, etc.). Les représentations sur parois ou sur objets ne donnent pas plus d’informations, les humains étant figurés nus. Seul un personnage gravé dans la grotte de Gabillou paraît être emmitouflé dans un épais manteau à capuche. Tout au plus, une exceptionnelle empreinte de pied chaussé dans une matière souple a été identifiée dans la grotte Fontanet.
Équipement 
Comme les autres cultures du Paléolithique supérieur, les Magdaléniens disposaient d’un équipement technique varié, adapté aux multiples activités de leur quotidien, et liées à la chasse et à la pêche. Les vestiges parvenus jusqu'à nous correspondent aux matières minérales et osseuses (bois de cervidé, os, ivoire) qui constituaient l’extrémité active des instruments. Les manches et autres productions en bois et en fibres végétales, aujourd’hui disparus, ne doivent cependant pas être oubliés.
Outils 
Les objets employés pour les activités domestiques sont principalement d'origine lithique. Il s'agit de lames utilisées brutes ou retouchées sur un bord pour couper et trancher, de grattoirs notamment utilisés pour racler les peaux et le bois, de burins pour rainurer et scier, et encore de perçoirs pour perforer.
Armes 
Les armes produites par les Magdaléniens sont principalement dédiées à la chasse. Armatures en silex et pointes de sagaie se rencontrent abondamment. Les hampes en bois de ces projectiles ne sont pas conservées. Façonnées dans du bois de cervidé ou de l’ivoire, les pointes adoptent des morphologies diverses selon les époques et les régions (section ronde, ovalaire, demi-ronde, quadrangulaire, etc.). Leur base peut être pleine, à biseau simple, à biseau double ou encore fourchue, suggérant autant de modes d’emmanchement différents. Des esquilles de silex ou de petites armatures lithiques (lamelles à dos retouché) étaient parfois fichées dans des rainures et collées avec des résines.
Techniques 
Pour fabriquer leurs armes et leurs outils, les Magdaléniens mettent en place des techniques à la fois spécialisées et standardisées. Dans l’industrie lithique, les outils domestiques sont réalisés sur lames, tandis que les armatures de sagaie utilisent des lamelles. Lames et lamelles sont fortement normalisées. Leur obtention nécessite une longue et méticuleuse préparation du bloc de matière première qui est ensuite frappé avec un percuteur (galet, bois, andouiller de cervidé) afin de débiter des lames pour les blocs les plus gros, des lamelles pour les petits modules. Lames et lamelles sont ensuite employées brutes, ou retouchées pour créer un tranchant, une pointe, ou pour aménager une base pour la fixation. Les méthodes de débitage mises en place au Magdalénien révèlent d’une part de nombreuses connaissances sur les qualités physiques des roches, d’autre part un apprentissage des gestes à effectuer. Elles illustrent ainsi un grand savoir-faire technique, la maîtrise technique de certaines grandes lames étant le fait de véritables artisans spécialisés.
Matériaux 
Particulièrement approprié à la taille, le silex fut très abondamment exploité par les Paléolithiques. Selon les ressources minérales locales, d’autres roches furent également employées : calcédoine, quartz et quartzite, jaspe, obsidienne, etc. Les Magdaléniens montrent une recherche accrue de roches de qualité, essentielle à leur production standardisée. Les gîtes de matières premières peuvent être éloignés de plusieurs centaines de kilomètres : le silex du Bergeracois est ainsi largement diffusé dans tout le bassin aquitain, des Pyrénées jusqu’au Poitou. Le minéral était transporté sous la forme de petits blocs de matière première, mais aussi de lames, de lamelles ou encore d’objets finis directement taillés sur les sites d’approvisionnement. L’hypothèse d’échanges n’est pas à écarter pour les distances les plus grandes, de telles pratiques étant attestées dans l’art mobilier et la parure.
Manifestations symboliques 
Si des témoignages graphiques sont attestés tout au long du Paléolithique supérieur, et peut-être même dès le Paléolithique moyen avec l'homme de Néandertal, le Magdalénien est perçu comme une période d'explosion artistique liée probablement à l'augmentation de la population à cette époque. Ces manifestations affectent différents supports (parois de grottes et d'abris, rochers, blocs, industrie osseuse, galets, plaquettes en pierre, parure...) liés aussi bien à la vie quotidienne qu'aux activités d'ordre symbolique, ces deux sphères se mêlant parfois.
Parois ornées 
Le terme d'art pariétal désigne traditionnellement l'ensemble des manifestations graphiques sur les parois des grottes, abris sous-roche et blocs. L'art en milieu souterrain est singulier et spécifique à l'Europe paléolithique. Près de 300 grottes ou abris ornés sont connus à ce jour, répartis essentiellement en France, Espagne et Italie . Cette concentration est exceptionnelle dans l'histoire des manifestations graphiques de l'Homme, notamment au Magdalénien, période pendant laquelle le nombre de grottes ornées s’accroît considérablement.
Art mobilier et parures 
L'art mobilier se définit comme un art dont le support est portatif, rassemblant aussi bien des sculptures en ronde-bosse et des modelages en argile que des armes et outils en matières dures animales (harpons, pointes de sagaies, propulseurs, spatules, lissoirs, baguettes demi-rondes, bâtons percés...), des plaquettes en pierre, galets et ossements. Ces supports sont souvent gravés, plus rarement peints, de décors géométriques et/ou figuratifs (animaux, humains). La profusion et la diversité de l'art mobilier magdalénien (supports, techniques, thèmes, conventions graphiques) jouent un rôle crucial dans la caractérisation de cette culture.
Les techniques 
Les Magdaléniens font preuve d'une grande maîtrise technique qui se traduit par l'usage croisé de la gravure, de la sculpture, de la peinture et du dessin.
Les thèmes et les formes 
Les thèmes de l'art magdalénien associent des motifs figuratifs et abstraits. L'art figuratif est essentiellement animalier : le bison et le cheval, sont en règle générale, les deux espèces les plus présentes tandis que le bouquetin, les cervidés, le mammouth, l'aurochs et les félins occupent une place secondaire.
Les sépultures magdaléniennes 
Les sépultures magdaléniennes sont rares. La majorité des vestiges humains attribués au Magdalénien sont fragmentaires et découverts hors contexte sépulcral. Actuellement, cinq sépultures primaires ont été décrites : Cap Blanc, Laugerie-Basse, Chancelade en Dordogne, Lafaye dans le Tarn et Garonne et Saint-Germain-la-Rivière en Gironde. Elles appartiennent au Magdalénien moyen, il y a environ 18 000 à 19 000 ans).